"Louise d'Orléans, première Reine des Belges", au "TreM.a", à Namur, jusqu'au 15 Juin

écrit par YvesCalbert
le 19/05/2025
"Louise d'Orléans, reine des Belges" (Joseph-Désiré Court/vers 1833) © "Musée Condé" © Ph. : Mathieu Rabeau

Après avoir été présentée, à 40 km au Nord de Paris, au Château de Chantillydu vendredi 18 octobre 2024 jusqu’au dimanche 16 février 2025l’exposition temporaire « Louise d’Orléans, première Reine des Belges. Un Destin romantique » – fruit d’un partenariat entre le « Musée Condé »à Chantilly, et la Province de Namur est à découvrir, jusqu’au dimanche 15 juin, au « Musée des Arts anciens du Namurois »  (« TreM.a »), à Namur,  cette exposition étant placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté la Reine.

Si nous évoquons souvent le nom de Mathilde, nous nous souvenons d’Elisabeth, notamment grâce à un réputé  « Concours musical »  (actuellement au programme du « Flagey », à Ixelles), … qui, parmi les plus jeunes, connait le nom de la première reine des Belges (1832-1850) , Louise d’Orléans (1812-1850), une princesse française, fille du dernier roi de France, Louis-Philippe 1er (1773-1850), qui épousa, le 09 août 1832, à Compiègne,  Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha (Leopold Georg Christian Friedrich von Sachsen-Coburg-Saalfeld/1790-1865),  premier roi des Belges (1831-1865).

Parcourant cette exposition, nous découvrons que Louise d’Orléans (1812-1850) vécut son mariage, avec Léopold 1er (1790-1865) comme un déchirement, alors qu’elle était habitée d’un amour de la collection et d’une diversité de goûts artistiques précis.

« Louise a été bien affligée de vous quitter, mais elle a bientôt pris son grand courage et elle a été bonne et aimable pour moi autant que possible » (catalogue, p. 63) confia Léopold 1er aux parents de Louise d’Orléans.

Parmi les objets de valeur exposés, notons la présence d’une tabatière de 9 cm sur 6cm (1819-1838), en or jaune  & émail, commémorative de ce mariage arrangé.

« Il est temps de réévaluer le rôle et l’influence de cette figure de l’Europe romantique », parfois qualifiée de « reine oubliée », nous confient les deux curateurs.

A noter que si l’exposition fut d’abord présentée au « Musée Condé » du château de Chantilly, ce n’est pas un hasard, vu que c’est l’un des frères de Louise d’Orléans, Henri d’Orléans, duc d’Aumale, qui fonda ce musée.

Xavier Darcos, chancelier de l’Institut de France, écrit (catalogue, p. 11) : « Cette souveraine laissa le souvenir d’une épouse et d’une mère aimante mais aussi d’une personnalité attentive au bien public, quoique discrète. Son souvenir demeure néanmoins ténu. Il était alors intéressant de pousser plus loin la recherche, pour tenter de mieux cerner cette belle figure, pour déceler à la fois son rôle politique, dans le concert des monarchies nées des révolutions de 1830, et ces goûts artistiques au coeur de la mouvance romantique. »

« Ayant bénéficié d’une solide éducation artistique, férue de politique et épistolière prolifique, la reine des Belges s’inscrit au coeur ‘un large réseau de mécènes avertis et de monarques avisés, tout en déployant des préférences tout à fait personnelles et une place à part dans les relations diplomatiques. De nombreuses oeuvres inédites, venant de sa collection sont pour la première fois présentées, ainsi que d’émouvants souvenirs, mais aussi des représentations officielles ou intimes souvent méconnues, bien qu’exécutées par les plus grands artistes du temps. »

Ainsi, au niveau des souvenirs émouvants, trois vitrines témoignent de l’amour qu’elle portait à ses enfants, en commençant par Louis-Philippe,  qu’elle surnommait « Babochon », né le 24 juillet 1833, étant décédé le 16 mai 1834, la reine ayant conservé, jusqu’à son propre décès, des précieuses reliques, comme une mèche de cheveux,  un collier ou une médaille de naissance, écrivant chaque fois : « de mon pauvre enfant », Léopold 1er  ayant confié à sa soeur, Sophie : « Si tu avais été témoin du chagrin, de la douleur mortelle de mon petit ange, Louise, tu serais probablement tombée malade » (catalogue, p. 68).

La seconde vitrine évoque Léopold (1835-1909), second roi des Belges (1865-1909), & Philippe (1837-1905), comte de Flandre, la troisième étant consacrée à sa seule fille, Charlotte (1840-1927), qui, de par son mariage, en 1857, avec Ferdinand Maximilien de Habsbourg-Lorraine (1832-1867), devint, en 1857, archiduchesse d’Autriche, puis, en 1864, impératrice consort du Mexique.

Revenant sur le décès du premier enfant du couple royal, à la télévision régionale "Bouké", Julien De Vos confia : "Ça se passe mal au départ. D'abord parce que Léopold a encore en tête le fantôme de sa première épouse, Charlotte. Et puis la seconde chose, c'est que son premier enfant, malheureusement, meurt à près de dix mois, ce qui marquera vraiment la reine et marquera aussi le roi parce que ce dernier y voit une forme de malédiction. Ce qui explique pourquoi il prendra une certaine distance par rapport aux enfants. Et c'est la reine, du coup, qui va créer la vie de famille."

Fille aînée d’une fratrie de dix enfants, comme il était d’usage à l’époque, Louise fut éduquée à la maison, à l’opposé de ses frères, qui fréquentèrent le « Lycée Henry IV », à Paris.

Dans plusieurs vitrines nous retrouvons, présentées au sein d’albums, ses lettres, rédigées à l’attention de sa mère, Marie-Amélie, reine consort de France. Citons un extrait de l’une d’elles : « Aumale (Henry d’Orléans, duc d’Aumale  {1822-1897}/ndlr) et Le Léopich (surnom qu’elle donnait à son père/ndlr) sont allés en ville, pour une revue de la garnison … Dieu veuille qu’ils aient du beau temps. Ils dineront à Ardenne et fileront ensuite sur Givet. »

Plus loin dans l’exposition, nous découvrons un autre extrait, prouvant son intérêt pour l’art : « Je vois dans un journal que le tableau de roses de  Redouté (Pierre-Joseph Redouté {1759-1840}, peintre wallon, né à Saint-Hubert, dont une toile est exposée/ndlr) est mis en loterie. Si le fait est vrai, je voudrais bien prendre des billets, pour quelques centaines de francs. »

Son goût pour les fleurs est à l’origine du nom – « Princesse Louise » – donné à un rosier grimpant, obtenu en 1829 , par un rosiériste français, jardinier de la famille d’Orléans, à Neuilly.

Louise d’Orléans collectionnait les œuvres et était en contact avec nombre d’artistes, via les salons et par la correspondance … Et Mathieu Deldicque de nous dire : « Elle recevait des artistes au palais de Laeken … Elle a favorisé la naissance d’un romantisme belge … Et c’est elle qui repère, à Paris, celui qui deviendra, au XIXè siècle, le grand portraitiste des familles royales, Franz Xaver Winterhalter ... La reine de la jeune Belgique fut l’une des principales actrices du renouvellement des modes de représentation des têtes couronnées ... En offrant leurs représentations aux cours de France et d’Angleterre, Louise et Léopold devinrent alors les promoteurs de l’art élégant et légèrement idéalisé. »  

Soulignons encore cet extrait d’une lettre écrite à sa mère, la reine consort de France : « Ce matin, à 8h30, Le Léopich a eu la bonté de … venir me dire des choses qui m’ont bien touchée, … m’ayant donné un charmant  bracelet, avec des coeurs, pour mettre des cheveux de toute ma famille. »

Ce bracelet, de 17,5 cm de long, cadeau, en 1844, de la reine Victoria (1819-1901), est d’ailleurs exposé, réalisé en or et gemmes (améthyste, béryl blanc, chrysobéryl, malachite, opale brune, ainsi que grenat hessonite & pyrote). Egalement en or et gem, un autre bracelet, de 18,5 cm de long, nous est présenté, possédant huit pendants nous dévoilant des yeux en miniatures, réalisés d’après Franz Xaver Winterhalter.

« Entre les différentes cours royales europénnes, alors que la photographie n’existait pas encore, il était fréquent d’échanger des portraits, si possible sous forme de miniatures à l’aquarelle sur ivoire », écrit Julien De Vos, à la page 106 du catalogue, dont il est l’un des deux responsables.

Ainsi, nous découvrons un bijou-bracelet (1845-1865), en or, décoré de turquoises, présentant une miniature  (aquarelle & gouache sur ivoire)  de Louise d’Orléans, signée François Meuret (1800-1887), d’après William Charles Ross (1794-1860).

Si la reine Louise d’Orléans possédait une centaine de bijoux sentimentaux, ces derniers ayant, pour la plupart, disparu, une joaillière & historienne de l’art, Charlotte Vanhoubroeck, étudia ces bijoux et, sur la base des descriptions de l’inventaire de la succession, recréa une sélection de ces derniers, avec une approche contemporaine, quelques-uns nous étant présentés, à côté de pièces de mobilier d’époque (une chaise, un fauteuil, un panneau et un paravent), prêtés par le Palais royal.

Son intérêt pour la danse est évoqué par l’exposition de deux paires de chaussons de bal, réalisés, à Bruxelles, par la « Cordonnerie Delannoy », sans oublier que c’est Louise d’Orléans qui introduisit, en Belgique, la coutume des  bals masqués.

Le frère aîné de la reine, Ferdinand-Philippe d’Orléans (1810-1842), sa sœur, la sculptrice Marie d’Orléans (1813-1839), ou encore son jeune frère, Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), héritier du château de Chantilly, partageaient, avec elle, des inclinations artistiques  et  esthétiques.

De nombreuses œuvres inédites, venant de la collection de la reine des Belges, sont, pour la première fois, présentées dans l’exposition. Beaucoup d’aquarelles, dessins et gouaches d’artistes contemporains, tels ses professeurs, Eugène Lami (1800-1890) et Ary Scheffer (1795-1858), ou  des peintres orientalistes, comme Adrien Dauzats (1804-1868) & Alexandre-Gabriel Decamps (1803-1860), furent collectés et collés dans des  albums romantiques, que Louise d’Orléans alimentait, ou dans des portefeuilles de cuir soigneusement conservés.

Julien De Vos, le curateur namurois, insistant sur la correspondance prolifique de la première reine des Belges, nous confia : « Louise d’Orléans a échangé à peu près 30.000 lettres avec environ toutes les têtes couronnées de l’époque … C’est le Palais royal qui nous a permis d’avoir accès à toutes ces correspondances. »

Aux côtés de Léopold 1er, Louise d’Orléans s’impliqua pour constituer la première collection royale de tableaux,  majoritairement composée d’oeuvres de peintres belges, qui prit place dans une galerie, au milieu des appartements du Palais de Bruxelles. Ayant un caractère public, cette galerie de tableaux se devait de refléter d’abord les grandes tendances de l’école nationale.

Cette impression de Galerie d’Art royale, nous est donnée par des reproductions de peintures longeant l’escalier, alors que si nous prenons l’ascenseur, nous montons ou descendons en compagnie de … Louise d’Orléans, … reproduite « en pied », à notre échelle …

Quant à la dernière salle, elle nous permet, notamment, d’admirer une lithographie colorisée du peintre belge Louis-Joseph Ghémar (1819-1873), nous présentant – sis en Province de Namur, à Houyet, à 15 km de Dinant –le  Domaine royal de Ciergnon, acquis, en 1840, par  Léopold 1er, répondant à la demande de son épouse, dont la santé était fragile, ses médecins pensant que l’air de la région serait bénéfique pour ses bronches, le Château royal de Ciergnon ayant été légué à l’Etat belge, en 1903, par le roi Léopold II, dans le cadre de la Donation royale. A noter que c’est dans la chapelle de ce Château que l’héritière du Trône de Belgique, la princesse Elisabeth  (°Anderlecht/ 2001) fut baptisée.

Une autre lithographie colorisée nous restitue le Château royal d’Ardenne, ouvert dès 1891, fermé définitivement en 1949, détruit par un incendie en 1968, ses ruines ayant été rasées en 1972.

Vivons, au « TreM.a », une immersion fascinante dans l’histoire d’une souveraine au destin hors du commun, décédée à Oostende, à seulement 38 ans … A chacune et chacun d’entre nous de découvrir ce riche héritage patrimonial …

Notons encore l’édition d’un superbe catalogue, abondamment illustré, rédigé sous la direction des curateurs, Julien De Vos, conservateur général  & directeur du « Service des Musées et du Patrimoine culturel » de la Province de Namur, & Mathieu Deldicke, conservateur en Chef du Patrimoine & directeur du « Musée Condé ».

Disponibles gratuitement, des carnets du visiteur ont été édités, avec la traduction, en anglais ou en néerlandais, des textes figurants au sein de l’exposition, de même que des carnets destinés à nos enfants.

La visite de cette intéressante exposition peut se compléter – au sein du bâtiment historique, l’ « Hôtel de Maître de Gaiffier d’Hestroy et de Tamison », édifié vers 1730-1745 – par une (re)découverte des collections permanentes : le « Trésor d’Oignies », du frère Hugo (1178- 1240) et de son atelier, un joyau d’orfèvrerie du XIIIè siècle, les 32 pièces qui le composent ayant été classées, en 2010, comme « Trésor de la Communauté française », ce  « Trésor » ayant connu un exceptionnel succès lors de sa récente exposition au « Musée de Cluny », à Paris ;  les  peintures du paysagiste mosan, né à Bouvignes, Henri Bles (vers 1500-après 1550) ; sans oublier, au 1er étage,  des sculptures du XIIè au XVIè  siècle.

… Que penser de certains politiciens qui veulent la suppression des provinces, lorsque l’on constate à quel point la Province de Namur est active au niveau de la culture, également avec le « Musée provincial Félicien Rops » et l’ « Espace culturel provincial Le Delta », mais aussi au niveau de l’enseignement ou des soins de santé ?

Ouverture : jusqu’au dimanche 15 juin, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée (incluant les collections permanentes) : 8€ (4€, pour les étudiants, dès 65 ans & pour les membres d’un groupe / 0€, pour les moins de 12 ans, les « Art. 27 », les détenteurs du « MuseumPassMusée » &, le dimanche 01 juin, pour tous les visiteurs & visiteuses. Catalogue (Ed. « In Fine Editions d’Art »/2024/couverture souple/208 p.) : 35€. Contacts : 081/77.65.79  & musee.arts.anciens@province.namur.be Site web : https://www.museedesartsanciens.be/.

Yves Calbert.

  • "Louise d'Orléans, reine des Belges" (Joseph-Désiré Court/vers 1833) © "Musée Condé" © Ph. : Mathieu Rabeau
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