"La Belle et la Bête", dans les Ruines de l'Abbaye de Villers-la-Ville, jusqu'au 16 Août

écrit par YvesCalbert
le 26/07/2025

Nombre de moins jeunes se souviennent d’une « Bête » interprétée, avec brio, par Jean Marais (1913-1998), dans l’adaptation cinématographique de « La Belle et la Bête » (Jean Cocteau/France/1946/96′), à une époque où il fallait trois heures pour lui fixer son masque, chacun.e ayant en mémoire sa version éponyme, en dessin animé des  « Studios Disney »(GarryTrousdale & Kirk Wise/Etats-Unis/1991/91′), ces deux réalisations étant des adaptations du texte de la romancière française Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1711-1776), rédigé en 1756.

Dans le superbe cadre des ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville, jusqu’au samedi16 août, nous pourrons découvrir le 39è spectacle mis en scène en ce lieu, une version théâtrale, en trois actes, de « La Belle et la Bête », un roman de 300 pages écrit, en 1740, par l’autrice française Gabrielle-Suzanne de Villeneuve (née Gabrielle-Suzanne Barbot  /1685-1755), 16 ans avant le conte éponyme de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont.

Ce spectacle se déroule sur deux scènes : la scène principale, cadre des premier et troisième actes, implantée au côté nord de l’église abbatiale, représentant le château de la « Bête » et une scène secondaire, implantée dans le  cloître, représentant la maison du père de la « Belle« , qui, lors de ce second acte, sera rejointe par ses deux soeurs , Fatmé & Lisbé, un entracte étant prévu avant de rejoindre la scène principale.

Synopsis : « Un marchand désargenté et égaré dans le domaine de la ‘Bête’ suscite l’ire de celle-ci en cueillant une de ses roses. ‘Belle’, l’une des trois filles du marchand, décide alors de se sacrifier pour sauver son père et prend sa place comme prisonnière dans le château. Là, en vivant aux côtés du ‘monstre’, elle découvre que, sous la laideur, survit un être doux, qui ne demande qu’à aimer et se faire aimer en retour. De son côté, la ‘Bête’ entrevoit un espoir : en acceptant de l’épouser, ‘Belle’ pourrait-elle briser le maléfice qui l’emprisonne dans cette carapace         hideuse ? … » 

Patrick de Longrée, coproducteur et adaptateur-scénariste de ce conte, pour l’abbaye de Villers-la-Ville, déclara : « C’est un roman féministe qui dit aux filles : faites attention mais soyez ouvertes. Soyez vous-mêmes, affirmez-vous dans le monde et face aux hommes. La ‘Bête’ apporte beaucoup de sa sensibilité à l’histoire, mais c’est la ‘Belle’ qui mène la danse grâce à sa finesse, à son intelligence. »

De son côté, le metteur en scène, Alexis Goslain, écrivit : « Le décor des ruines de Villers est un véritable  personnage à part entière. Il me paraissait important de revenir à l’essence même de la réputation des spectacles d’été de ‘Del Diffusion », à Villers, à savoir un univers baroque par le biais des costumes de Thierry Bosquet, avec un décor qui se colle parfaitement avec les ruines. La modernité se fera dans le ton concret des dialogues et la  sincérité des émotions. »

«  ‘La Belle et la Bête’ résonne avec notre époque, sensorielle et philosophique, où la question du regard sur l’autre  et de l’acceptation de la différence est plus que jamais d’actualité. En explorant cette histoire sous un prisme poétique et sensoriel, nous souhaitons offrir un spectacle où le spectateur pourra lui aussi être transporté dans un  univers d’illusions et de révélations. »

Au micro de François Caudron (« RTBF »), il déclara, également : « On a voulu remettre le consentement au centre de cet amour, qui existe ou qui n’existe pas. On est parti sur le fait que ça doit partir dans la réciprocité. Qu’elle est  libre. Qu’elle apprend à l’analyser, à l’observer. Lui, à la respecter. […] C’est un peu une quête initiatique à travers la morale et le sens idyllique de ce que devrait être l’amour. »

Soulignons qu’Alexis Goslain est un habitué de ce site historique, édifié en 1146, pour des moines de l’Ordre des Cisterciens,12 moines, un abbé et cinq frères convers ayant été envoyés de Clairvaux à Villers-la-Ville. Reconstruite , au XIIIè siècle, à une époque d’apogée spirituelle et temporelle, l’abbaye fut saccagée et pillée, en 1794, la  révolution française ayant chassé les moines. Vendue à un marchand de matériaux, elle fut démontée pièce par pièce.

Ainsi, à Alexis Goslain, à Villers-la-Ville, nous devons, en 2016 : « Amadeus », de Peter Shaffer, en 2017 : « Le CapitaineFracasse », de Théophile Gautier, &, en 2021 : « Le Petit Prince », d’Antoine de Saint-Exupéry.

Distribution de « La Belle et la Bête » :

La « Belle » : Laura Fautré.

La « Bête »  : Benjamin Ramon.

Le Père      : Bruno Georis.

La Fée : Bernadette Mouzon.

Les 2 Soeurs : Lauriane Jaouan (Fatmé) & Manon Hanseeuw (Lisbé).

Les 2 Gardes : Jonas Jans & Romain Mathelart.

A noter que trois d’entre-eux étaient à l’affiche, en 2024,du précédant spectacle, à l’abbaye de Villers-la-Ville, « Le Procès de Jeanne d’Arc », mis en scène par Hélène Theunissen : Laura  Fautré, qui était Jeanne d’Arc, elle-même,  Bruno Georis, dans le rôle de l’évêque Cauchon, Romain Mathelart, ainsi que Jonas Jans, dans celui de Martin Ladvenu, Jonas Jan ayant participé, en ce même lieu, à deux spectacles mis en scène par Thierry Debroux  (« Cyrano de Bergerac », en 2019, & « Roméo et Juliette », en 2022), de même qu’il fut présent dans le « Lucrèce Borgia » de Victor Hugo, mis en scène par Emmanuel Dekonninck.

Mais revenons à « La Belle & la Bête ». Dans son livre « Psychanalyse des Contes de Fées » (Ed. « Robert Laffont »), le psychologue et pédagogue américain d’origine autrichienne, Bruno Bettelheim (1903-1990), écrit : « Le palais de la ‘Bête’, où les moindres désirs de la ‘Belle’ sont immédiatement comblés est un fantasme narcissique  typiquement propre aux enfants. Rares sont en effet les enfants qui, à un moment ou à un autre, n’ont pas désiré une existence où on n’exigerait rien d’eux et où il suffirait d’exprimer un désir pour le voir aussitôt satisfait. Le conte dit que cette vive rêvée, loin d’être satisfaisante, devient vite ennuyeuse, à tel point que la ‘Belle’ attend impatiemment les visites nocturnes de la ‘Bête’ qu’auparavant elle redoutait. »

« L’essence de l’histoire n’est pas seulement les progrès de l’amour de la ‘Belle’ pour la ‘Bête’, ni même du transfert de son attachement à son père, mais sa propre évolution au cours du processus. En constatant qu’elle doit choisir entre son amour pour son père et son amour pour la ‘Bête’, elle se rend compte peu à peu que l’idée d’opposer ces deux amours est un point de vue immature. En transférant sur son futur mari l’amour œdipien originel qu’elle éprouvait pour son père, la ‘Belle’ peut donner à celui-ci le genre d’affection qui lui sera le plus bénéfique : une affection qui rétablit sa santé chancelante et lui procure une vie heureuse à proximité de sa fille bien-aimée. En même temps, la ‘Belle’ rend à la ‘Bête’ son aspect humain et les deux héros pourront connaître une vie conjugale sans nuages. »

Au niveau de la scénographie, soulignons, outre les jeux de lumières et de fumées, les apparitions de plantations de roses rouges, si chères à la « Belle » ; d’un fauteuil, où prendront place « La Belle et la Bête » ; d’une table de buffet , joliment dressée, qui permettra au père de « Belle » de boire un verre de vin, se laissant tenter par une rose pour  « Belle », qui sera à l’origine de la réaction de la « Bête » ; sans oublier la présence de fenêtres de cette salle du château, qui se transformeront en écrans.

Critique de Catherine Makereel, pour « Le Soir » : « Dans les rôles principaux, Laura Fautré et Benjamin Ramon  apportent une belle douceur au couple en devenir, qui doit faire fi des apparences. Mais l’étincelle, là encore, n’a pas vraiment l’espace onirique pour prendre feu, sans compter que le texte de Benjamin Ramon semble souvent  étouffé par un masque, qui, couplé à une crinière sauvage, lui donne des airs de lion. En bonne fée, Bernadette Mouzon amène heureusement une salvatrice dose pétillante en papillonnant sur le plateau pour guider des personnages devenus ses marionnettes plus ou moins consentantes. Il faut attendre l’arrivée de Lauriane Jaouan  et Manon Hansseeuw, en sœurs caricaturalement insupportables de ‘Belle’, pour accélérer un peu le pouls de la pièce … »

« Vous m’apprîtes à démêler les apparences, qui déguisent toutes choses. Je sus que l’image trompe, et nos sens  et nos cœurs », écrivit l’autrice, Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, nous suggérant d’apprendre à voir la beauté intérieure, au-delà des apparences. 

Ouverture des portes : 20h30. Début du spectacle : 21h. Catalogue : 5€. Contacts & Réservations : 071/82.09.78 & resa/deldiffusion.be. Site web :  https://deldiffusion.be/.

Yves Calbert.

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